mai 31, 2023

Valais: la commune bourgeoisiale emblème de la question de l’identité

Le droit de cité et lieu d’origine

Parmi les éléments qui ont posé le plus de problèmes aux promoteurs des fusions et mis à mal bien quelques projets, la question du droit de cité et de l’origine a été celle qui a fait couler le plus d’encre.

Exemple  de la “Haute Sorne”. Avec la fusion toute personne et toute famille originaire d’un des sept villages perd son lieu d’origine, remplacé par le néologisme et peu attachant vocable de «Haute-Sorne».

En effet, s’il est un point sensible chez bon nombre de citoyen(ne)s, et particulièrement chez les plus anciens – mais pas seulement -, c’est la question de la modification du lieu d’origine impliqué par la fusion de plusieurs communes. Le changement de la mention de l’origine sur les papiers attestant du droit de cité est une des conséquences de l’adoption d’un nouveau nom pour la commune politique d’où l’on est issu, en cas de fusion.

Cette modification n’est pas seulement littérale, elle entraîne une augmentation « physique » du nombre des « originaires » d’un lieu qui se trouve ainsi étendu aux limites de toutes les communes partenaires et, par conséquent, une redistribution des biens, autant en acquisition qu’en partage.

En cas de fusion, les citoyen(ne)s ne sont plus originaires du village dont leur famille provient depuis des siècles, mais ils prennent l’origine de la nouvelle commune.

Ainsi les habitants « bourgeois » de Domdidier, ne seront plus originaires de Domdidier, mais de la commune de Belmont-Broye et devront accueillir en leur sein les « bourgeois » de Dompierre, Léchelles et Russy, tous maintenant bourgeois de la nouvelle commune. Bien sûr, inversement ils acquièrent la bourgeoisie de « Dompierre, Léchelles et Russy ».

Cette perte de l’origine « primaire » qui peut sembler anodine, est considérée par certains comme une perte d’une partie de leur identité, et a eu une importance notable, voire primordiale dans le refus de certaines fusions.

Pour parer à l’avenir ce genre de « mésaventure », plus que pour régler le problème d’identité que pose ce genre de modification, des députés se sont empressés, autant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal de demander un changement de la loi sur les fusions. Ceci a même déjà été approuvé récemment par les Grand-Conseils dans le canton de Fribourg et Neuchâtel (2012). Mais comme toujours en  matière de fusion, traiter un problème dans l’urgence n’amène jamais un résultat très intelligent, alors que dans ce dernier canton l’art 59a sur le droit de cité mentionne le nom de l’ancienne commune d’origine suivi, entre parenthèses, du nom de la commune issue de la fusion, à Fribourg on a fait exactement l’inverse en mentionnant entre parenthèses le nom de l’ancienne commune accolé à celui de la nouvelle… et tout ceci, bien sûr, contre le paiement d’un émolument. L’ajout sera réalisé sur demande dans un délai de deux ans après la fusion.

Et, tout aussi certainement, cela nous prépare une belle pagaille lorsqu’il faudra harmoniser tout ceci au niveau fédéral. Et je ne parle pas de la « traçabilité », chère aux gestionnaires, ni du fait qu’on est « originaire de… » dès le jour de notre naissance et, pour nos générations, à ce jour donné la nouvelle commune n’existait pas…

Pas grave ?

L’origine des bourgeoisies valaisannes

Le cas du Valais, est encore une autre illustration de la problématique engendrée par cette frénésie de fusions.

Le terme de « bourgeois » ou de « bourgeoisie » sonne étrangement dans le monde actuel. Il incarne un esprit égoïste, capitaliste et rétrograde.

Cependant, les mots ont changé de sens. Le terme de « bourgeoisie » implique en Valais, comme dans d’autres parties de la Suisse, l’esprit de solidarité, d’entraide, d’actions sociales.

La bourgeoisie traditionnelle était l’union de ceux qui habitaient le même bourg. En Valais, l’institution bourgeoisiale remonte au XIIIème siècle. C’est à partir de cette date qu’apparaissent les premiers textes parlant de communautés locales, jouant un rôle prépondérant dans la vie sociale et politique du pays.  Ces communautés constituées en « bourgeoisies » détentrices de pouvoirs politiques ont régi la vie locale jusqu’à la Révolution française. La Révolution française a mis fin à cet état de fait mais la Restauration l’a réintroduit avec obligation à ces bourgeoisies d’admettre, en leur sein, les personnes qui habitaient l’endroit depuis longtemps.

C’est ainsi que les bourgeoisies ont continué à régir la vie politique locale jusqu’en 1848.

La commune politique, dite municipale, est constituée de jure lorsqu’on adopte la constitution fédérale de 1848, qui pose le principe du libre établissement du citoyen suisse sur tout le territoire de la Confédération ; la constitution valaisanne du 23 décembre 1852 attribue à l’assemblée primaire le droit de trancher de manière définitive les affaires municipales. Mais la commune politique est instaurée de facto lorsque le législateur fédéral, dans la révision totale de la constitution fédérale en 1874, reconnaît au citoyen suisse le droit de vote et d’élection dans la commune de son domicile.


Publié le 18 mai 2023 sur le site lenouvelliste.ch par Dimitri Mathey

Sauf immense surprise, les Bourgeoisies de Sion et de Veysonnaz ne fusionneront pas

En marge de la votation sur un éventuel mariage entre Sion et Veysonnaz, les bourgeoisies des deux communes devront également se prononcer sur leur avenir. Et celui-ci semble se dessiner chacun de son côté.

Le 8 mai dernier, les bourgeois sédunois se sont prononcés à titre consultatif sur une fusion avec leurs homologues barloukas. Le résultat du vote à mains levées est stalinien. Plus de 90% des 350 personnes présentes ont refusé l’idée d’un mariage.

Si son président, Antoine de Lavallaz, s’étonne de ce score aussi net, il rappelle que le conseil bourgeoisial «n’a pas pris position et a laissé la liberté de vote complète à ses membres».

Une double casquette contestée

Ce résultat s’explique en partie par un phénomène local. En effet, plus de 1100 personnes sont à la fois bourgeoises de Veysonnaz et de Nendaz. Mais seules 276 vivent sur le territoire barlouka.

Cela pouvait potentiellement créer des déséquilibres.
Antoine de Lavallaz, président de la bourgeoise de Sion

En clair, marier les bourgeoisies, c’est offrir «un droit et ses avantages» à des centaines de personnes n’habitant pas la future commune fusionnée. «Cela pouvait potentiellement créer des déséquilibres», reprend Antoine de Lavallaz.

Reste qu’après cette consultation, le scénario du «non» semble acté. Réponse définitive le 18 juin prochain.