décembre 11, 2023

Sion, Mont-Noble et Veysonnaz : émotions à la grande salle !

D’après un article publié dans Le Nouvelliste le 9 avril 2022 par Noémie Fournier, Sacha Bittel

(Surlignage couleur par la rédaction de fusionite.ch)

 

Acte I: assemblée attentive du côté de Sion

Sion, lundi soir. La tournée commence dans la capitale. Ils sont près de 150 personnes, principalement âgées de plus de 50 ans. Le canevas de la présentation est précis. Une présentation de la vision stratégique de Sion qui aspire à devenir la Capitale suisse des Alpes, une deuxième présentation des résultats des études de faisabilité des fusions entre Sion, Mont-Noble et Veysonnaz opérées par le bureau Compas avant la demi-heure de questions du public modérée par la Fondation pour le développement durable des régions de montagne (FDDM).

Les orateurs sont préparés. Philippe Varone évoque avec enthousiasme ce fameux Sion en Capitale suisse des Alpes. «J’espère que le Sion de demain ne sera plus une ville de passage mais une ville de destination, dans laquelle on peut skier le matin, faire du golf l’après-midi et surfer le soir.»

Ce positionnement stratégique fort et inédit porte déjà ses fruits, selon lui. Il a permis à Sion d’être invité à la table du comité de l’Union des villes suisses par exemple. Son périmètre fonctionnel, une vision à trente ans, est évolutif. A terme, il prévoit d’englober Vétroz, Saint-Léonard, Savièse, l’Adret, Nendaz ou le val d’Hérens. La salle est attentive. Le projet semble convaincre.

Vient le tour de Gilles Léchot, directeur et fondateur du bureau Compas. Ce dernier était mandaté pour établir la faisabilité des fusions et vérifier si ces fusions étaient opportunes. Au terme de l’analyse multicritère, réalisée par des groupes de travail formés d’édiles et de citoyens, l’opportunité des rapprochements semble, selon l’expert, clairement avérée. «Sion veut et peut être la ville qui porte la voix des régions alpines», résume Gilles Léchot.

En coulisses, depuis la réception des études par les différents exécutifs communaux au début du mois de mars, la méthodologie est néanmoins discutée voire jugée discutable par certains élus et proches du dossier. On reproche au bureau Compas, qui était lui-même l’auteur de la vision stratégique «Capitale suisse des Alpes», de porter désormais des projets qui participent, pour ne pas dire réalisent, cette dite vision. Une critique balayée par le directeur de Compas à l’heure de l’apéro. «Au contraire, c’est un avantage de connaître les dossiers. La réputation du bureau se fait sur des fusions réussies, il serait donc contre-productif de porter des projets par intérêt.»

Ne sautons pas la partie des questions. Raphaël Zuchuat, président de la section PDC de Sion, qui est ouvertement opposée au projet, interpelle Philippe Varone sur les réels avantages, pour les Sédunois, de fusionner avec la montagne. «Nous avons envers nos communes une vraie responsabilité de grand frère», répond le président de la ville, avant de souligner le caractère unique et inédit en Suisse du projet «Capitale suisse des Alpes», projet qui pourrait fédérer toute une région derrière lui. «Ce qui importe avant tout, c’ est la qualité des prestations pour les habitants et pour les hôtes, ce n’est pas les frontières communales.»

Un citoyen s’interroge sur la manière dont les projets seront priorisés sur le nouveau territoire, alors qu’un autre s’inquiète de fragiliser les villages de montagne en les absorbant dans la ville. «Veysonnaz et Mont-Noble seraient des quartiers de Sion comme les autres, avec la volonté que chacun de ces quartiers garde sa couleur, son identité», répond Philippe Varone.

Acte II: de l’électricité dans l’air à Mont-Noble

Mardi. Mont-Noble. On prend les mêmes et on recommence. Les 120 chaises disposées dans la salle de gym de Nax ont trouvé preneurs et preneuses. Le président de la commune, Bernard Bruttin, présente les avantages d’une fusion avec la capitale. Une capacité d’investissement améliorée, une relève politique plus facile à trouver, un coefficient fiscal diminué.

La présentation de Philippe Varone est semblable à la veille. On s’excuse d’un projet qui peut sembler en apparence arrogant. Le mot «village» est préféré au mot «quartier». Il est applaudi.

L’accueil réservé à l’étude de faisabilité est beaucoup plus mitigé. La méthodologie est critiquée. Dans la salle, on se demande si les personnes ayant mis les notes sont vraiment représentatives, si la pondération, réalisée par les élus, peut vraiment être comparée d’un exécutif à l’autre.

Les réponses de Gilles Léchot, dans le fond autant que dans la forme, ne plaisent pas du tout. Jugé condescendant, arrogant, même humiliant envers la population, l’homme est hué. Par la salle et certains officiels aussi. Une citoyenne lui rappelle qu’il est là pour les informer. La suite de la présentation est tendue. Il passe plus de temps à parler des avantages que des inconvénients. Ça se ressent et ça lasse.

Les premières questions du public concernent les relations avec le val d’Hérens. Bernard Bruttin rappelle que l’Association des communes du val d’Hérens (ACVH) a communiqué sur leur absence de dénominateur commun. «Aujourd’hui une fusion Hérens n’est pas possible. Pour se marier il faut que toutes les parties disent oui, et Hérémence ne veut pas.»

On demande alors à Philippe Varone comment la ville entend vendre en même temps le tourisme doux de Mont-Noble et les hôtels à Cour de Gare. L’homme répond qu’il n’est pas question de changer ce qui fait la spécificité de chaque lieu, spécificité qui fera la diversité de la capitale. «Regardez Bramois, ils ont su garder une vie sociale et associative riche après la fusion.»

Question aménagement du territoire, les citoyens sont informés que chaque commune devra se présenter avec un plan de zones en conformité à la LAT au moment de la fusion. Sion n’héritera donc pas du surdimensionnement de 54 hectares de la commune de Mont-Noble. Quant à la lex Weber, selon les derniers chiffres de la Confédération, la nouvelle commune fusionnée aurait un taux de résidences de 15,3%, soit inférieur aux 20% autorisés.

Le temps des questions est interrompu après une demi-heure. Au grand regret d’une partie de l’assemblée. René Constantin demande la parole. L’ancien président du PLRVs, porte-voix de l’Ensemble citoyens de Mont-Noble, se dit soucieux. «Si vous pensez réussir une fusion et nous convaincre avec vos algorithmes de décisions, vous vous trompez complètement. M. Bruttin, vous nous avez promis un feu d’artifice au soir de la votation sur la fusion le 18 juin 2023. En l’état, ce sera un pétard mouillé.» Salve d’applaudissements.

Le micro en main, il demande encore si la décision de poursuivre le processus de fusion a été prise à l’unanimité du Conseil. Bernard Bruttin, emprunté, recours à son droit de réserve. Il déclare finalement que celle-ci a été prise par une «forte majorité». Dans les rangs de la salle, c’est un secret de Polichinelle. Le oui l’aurait remporté à une seule voix près, à 4 contre 3. A l’heure de la verrée, l’ambiance est électrique.

Acte III: ambiance cadrée à Veysonnaz

Veysonnaz. Mercredi. On prend les mêmes et on recommence, une dernière fois. Ils sont une centaine ce soir. Pour éviter les tensions de la veille, on affine son vocabulaire, on pèse ses mots. Philippe Varone appuie sur la volonté de la ville d’intégrer la plaine et la montagne l’une à l’autre. Il parle des ambitions touristiques de la capitale, de son besoin des autres communes pour maintenir un haut niveau d’attractivité économique.

Gilles Léchot marche lui aussi sur des œufs. Il félicite les autorités de Veysonnaz pour leur processus participatif. «Jamais un vote consultatif n’avait été fait dès la phase stratégique.» Sa présentation des résultats est, en comparaison de la veille, plus expéditive.

Le moment des questions est introduit par un message du président. Un message du cœur. Patrick Lathion se dit très attaché à la cohésion du village et forcément affecté par la division autour de cette question de la fusion. «Mais il est de notre responsabilité à tous de mener à bien ce dossier afin d’offrir les meilleures perspectives d’avenir possibles pour nos enfants.»

La commune de Nendaz s’invite dans les débats dès les premières questions. Le directeur de Nendaz Veysonnaz remontées mécaniques, François Fournier, demande ce qu’il adviendra des services jusque-là assurés conjointement avec la commune de Nendaz, cette dernière ayant annoncé dénoncer les conventions intercommunales en cas de fusion.

Les communes voisines: Nendaz dénoncera les conventions avec Veysonnaz en cas de fusion avec Sion 

«Malgré la volonté unanime de notre exécutif de fusionner avec la commune de Veysonnaz, nos sollicitations n’ont pas été entendues ni même débattues.» Dans un communiqué, la commune de Nendaz annonce qu’elle dénoncera les conventions intercommunales qui la lient avec Veysonnaz si cette dernière venait à fusionner avec Sion. «Seules les prestations subsidiaires qui ne pourront pas être assumées par la ville ou qui apporteront une valeur ajoutée à notre population seront renégociées», poursuit le communiqué. «La ville de Sion a largement les moyens de ses ambitions pour garantir aux citoyens des prestations de qualité sur l’ensemble de son territoire.»

En décembre dernier, les autorités nendettes demandaient à l’exécutif sédunois que l’éventuelle poursuite des collaborations soit justifiée et formalisée avant l’élaboration du contrat de fusion, avec un délai fixé au 31 mars. «Nous déplorons le fait que notre exécutif n’ait reçu aucune réponse formelle à ses interrogations avant de présenter le projet de fusion à la population», souligne le président de Nendaz Frédéric Fragnière. «C’est pour cette raison que nous avons coupé le dialogue et annulé la séance prévue entre les trois exécutifs ce mardi 5 avril».

De son côté, la ville de Sion souhaite maintenir le dialogue avec la commune de Nendaz. «Et trouver des solutions qui soient à l’avantage de toutes les parties, pour le bien-être de la population, ainsi que nous le pratiquons actuellement avec l’école d’Aproz», précise Philippe Varone. Le président de Veysonnaz, Patrick Lathion, rappelle que les conventions ont des délais de résiliations clairement définis, «qu’elles ne peuvent pas être résiliées en tout temps, et qu’ils feront tout pour maintenir les collaborations qui font sens.»

La commune de Nendaz rappelle qu’elle reste convaincue de la communauté de destin entre les communes. «Nous nous engageons à maintenir les collaborations et à reprendre le dialogue dans la perspective d’une éventuelle fusion entre Nendaz et Veysonnaz si le processus engagé avec la capitale ne devait pas trouver un écho favorable auprès des citoyens lors du vote de juin 2023.»

Vex a lancé une étude de fusion en janvier

Concernant Mont-Noble, rappelons qu’aucun projet de fusion du val d’Hérens n’est à l’ordre du jour. Après Mont-Noble, notons que Vex annonçait en janvier s’interroger à son tour sur l’avenir de sa commune. Elle mandatait le bureau Compas pour étudier la faisabilité de mariage avec ses communes voisines, que ce soit la capitale ou les communes hérensardes.

Patrick Lathion souligne qu’il n’y a aucune velléité du côté de son exécutif de remettre en cause les collaborations existantes, d’autant plus si elles sont à l’avantage des citoyens des communes concernées. De son côté Philippe Varone se veut rassurant. «Nous retournerons frapper à la porte de Nendaz pour les conventions qui font sens.»

Les questions suivantes sont de détail. Où les enfants iront à l’école? Veysonnaz sortira-t-elle du secteur paroissial qu’elle partage avec Nendaz? «Ces questions ne sont pas toutes réglées à ce stade», répondent tour à tour Patrick Lathion et Philippe Varone. «Le travail d’écriture commence justement maintenant et c’est lui qui déterminera concrètement tous les aspects de la nouvelle commune.» Fatalistes, les opposants à la fusion garderont leurs questions pour plus tard.

On s’interroge alors sur ce projet «Capitale suisse des Alpes», sur le fait qu’il puisse potentiellement voler les opportunités des villages de montagne. Philippe Varone rappelle que le processus de fusion a suivi la demande de Veysonnaz envers Sion, et non le contraire. On se demande encore pourquoi la discussion et le débat se sont arrêtés aux frontières communales, sans considérer les villages nendards de Verrey et de Clèbes, qui font partie de la communauté. Une deuxième question sur l’absence de débat suscite l’ire d’une partie de la salle. Cette partie rappelle à l’autre le vote consultatif du mois de novembre 2020, vote dans lequel Veysonnaz affichait sa préférence pour Sion face à Nendaz à 55%.

On parle enfin tourisme. Philippe Varone se dit conscient des investissements qui devront être faits dans ce secteur. «Ces montants sont à notre portée et ils seront assumés», avance ce dernier.

La discussion dépasse la demi-heure initialement prévue. Pas sûr que qui que ce soit ait changé d’avis au terme de cette soirée, bien au contraire. Reste à savoir dans quel camp se trouve «la majorité silencieuse», que les deux parties semblent se disputer.

Tous verront bien plus clair à la lecture du rapport de fusion qui sera présenté à la population au printemps de l’année prochaine, peu de temps avant que le dernier mot soit donné à la population, dans les urnes, le 18 juin 2023.