Publié le 21 avril 2023 sur le site actu.fr par Dorine Goth
Les conseils municipaux de Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine ont acté, jeudi 20 avril 2023, le lancement du processus de création d’une commune nouvelle.

« 49-3 ! » « Déni de démocratie ! » L’opposition n’a pas de mot assez fort pour qualifier le projet surprise de fusion des villes de Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), annoncé deux semaines plus tôt. À l’issue de conseils municipaux extraordinaires, houleux et simultanés, les deux municipalités ont finalement adopté, jeudi 20 avril 2023, un vœu de création d’une commune nouvelle, qui permet de lancer le processus de fusion.
Signe d’un certain malaise, c’est à l’unisson et de manière transpartisane, de l’UDI à la FI, que l’opposition réclame la tenue d’un référendum. « On a fait plus fort que la Nupes« , ironise Yohan Sales, conseiller municipal d’opposition (FI) à Pierrefitte-sur-Seine.
Une fusion pour 2025
« Ce soir, nous votons un vœu de principe à portée symbolique. Il est très simple et appelle une réponse simple : souhaitez-vous travailler à construire une commune nouvelle sur le périmètre de notre ville et de Pierrefitte. Voulez-vous rassembler les forces vives de nos villes ? », a rappelé en ouverture de séance Mathieu Hanotin (PS), le maire de Saint-Denis.
À quelques kilomètres de là, son homologue, Michel Fourcade (PS), égrenait aux élus de Pierrefitte les similitudes entre les deux communes : “Les habitants naissent et se font soigner dans le même hôpital, vont dans la même université ou encore dans les mêmes parcs.” Le 5 avril dernier, les deux maires ont annoncé, à la surprise générale, leur volonté de s’unir. À l’issue du processus, au 1er janvier 2025, Pierrefitte-sur-Seine deviendra la commune déléguée de Saint-Denis.
« Le projet ne figurait pas dans les programmes et n’avait jusqu’alors jamais été effleuré », a dénoncé Stéphane Peu, conseiller municipal d’opposition à Saint-Denis (PCF) et député de la circonscription.
Difficultés financières et acquisition
Dans la ville la plus peuplée de Seine-Saint-Denis, on craint de « payer l’addition », alors que les difficultés financières de Pierrefitte-sur-Seine sont avancées comme justification. « Toutes les communes sont en proie à des difficultés et désormais la solution serait leur disparition ? Ça reste pourtant la dernière instance politique qui continue d’avoir un peu de reconnaissance des citoyens », interrogeait le député quelques heures plus tôt à l’occasion d’une conférence de presse.
« Où Saint-Denis va-t-il trouver l’argent ? », abondait Pascal Kouppe, conseiller municipal d’opposition (UDI) à Pierrefitte. Mathieu Hanotin promet : les impôts n’augmenteront pas. “Je n’ai jamais vu deux villes pauvres devenir une ville riche”, a sanctionné l’élu d’opposition Farid Aïd, dénonçant une “fusion aux forceps, sans légitimité” lors du conseil municipal de Pierrefitte.
Côté Pierrefitte, on redoute une « fusion acquisition, une sorte d’OPA ». “On peine à trouver les motivations usuelles. Est-ce qu’on ne va pas simplement devenir un quartier délaissé de Saint-Denis ?”, a interrogé Romain Potel, conseiller municipal d’opposition. « Je veux lutter contre ceux qui évoquent une forme d’annexion. C’est évidemment une volonté partagée », a rétorqué à Saint-Denis Mathieu Hanotin.
Un millier de signatures contre
En ligne, une pétition contre ce mariage arrangé regroupait jeudi 20 avril plus de 990 signatures. Quelques minutes avant la tenue des conseils, des dizaines de personnes s’étaient rassemblées pour protester sous les fenêtres des mairies.
Sur le parvis de la basilique, Véronique, « habitante et née à Saint-Denis », tique plus sur la forme que le fond. « On ne sait pas si c’est une bonne chose ou non, mais on a le sentiment que c’est une décision qu’il a prise tout seul. On est mis devant le fait accompli. Il faudrait au moins qu’il présente les arguments. On a envie d’être des citoyens. »
Au milieu de la foule silencieuse, une casserole, clin d’œil à la mobilisation contre la réforme des retraites. Plus tard, dans l’enceinte de la mairie, trois femmes scanderont « Macron, Hanotin, même combat ! » avant d’être expulsées du conseil municipal.
À ceux qui réclament la tenue d’un référendum pour trancher la question, l’édile répond « 2026 » :
En 2026, les électeurs auront à nouveau à s’exprimer pour juger un bilan d’action et cette existence. La véritable consultation démocratique, ce sont les élections municipales.
Vote définitif en 2024
À l’issue de plus de 2 heures de débat, le vœu a finalement été adopté avec 10 voix contre à Pierrefitte tout comme Saint-Denis. À Pierrefitte-sur-Seine, les élus écologistes ont préféré s’abstenir face à un “nombre trop important de facteurs non encore évalués, comme le coût financier de l’opération”. Conseils municipaux miroirs, les amendements de l’opposition ont été aussi bien rejetés à Pierrefitte qu’à Saint-Denis, tout comme la demande de procéder à un vote à bulletins secrets.
“Il y a désormais deux camps, mais je suis convaincu que cette fusion se fait pour le bien des habitants”, a conclu Michel Fourcade promettant de nombreuses consultations avant la mise en place du projet prévu pour janvier 2025. Pour l’élu socialiste, elle signe “un nouveau départ”. “Nous n’allons pas brader Pierrefitte, nous allons co-construire. La mairie de Pierrefitte restera la porte d’entrée des habitants.” Le vote définitif interviendra en 2024, à l’issue des concertations entre les deux villes.