Publié le 4 mars 2023 sur le site lepoint.fr par Nathan Lautier
Le 20 février, la maire d’Oullins et son homologue de Pierre-Bénite ont annoncé leur projet d’union des deux villes dès 2024. Au menu : soupe à la grimace !
Stupeur et colère dans la métropole de Lyon. Le 20 février dernier, Jérôme Moroge et Clotilde Pouzergue, les maires LR de Pierre-Bénite et d’Oullins, diffusent un communiqué de presse commun, annonçant la fusion programmée de leurs deux communes, à compter du 1er janvier 2024. Personne, semble-t-il, n’avait vu venir la naissance d’Oullins-Pierre-Bénite. Un mariage surprise qui en fait grimacer plus d’un.
À commencer par l’opposition oullinoise, menée par Jean-Charles Kohlhass (EELV), également vice-président du Grand Lyon. L’écologiste a appris la nouvelle dans la presse locale. Quelques jours plus tard, il ne comprend toujours pas : « Personne n’en avait jamais entendu parler jusqu’à présent, ni pendant la campagne électorale ni dans un quelconque débat à un quelconque moment. Je n’arrive pas à comprendre », explique-t-il au Point. « Fusionner des communes de cette taille-là, dans ce secteur-là, il faut vraiment un projet commun de territoire, et, là, on est vraiment sur des communes très différentes, en termes de sociologie et de fonctionnement administratif ou financier. » En effet, Oullins est bien plus endettée, mais possède une meilleure capacité d’autofinancement que Pierre-Bénite, toujours selon l’élu d’opposition.
Et d’ajouter : « Cela donne l’impression d’un choix sur un coup de tête. Quand on est deux, on s’entend bien, on se marie. C’est un peu court ici, parce qu’il s’agit quand même là de la vie de 37 000 habitants. »
Une consultation à venir
Un a priori réfuté par les deux édiles qui n’étaient pas disponibles pour répondre à nos questions. Dans un Facebook Live du 23 février dernier, les deux promettent qu’un « minimum d’étude de faisabilité » a été fait, et qu’un « travail pour vérifier que c’était possible et souhaitable a été réalisé. » Avant de tacler l’opposition : « Une poignée de personnes, qui ne disent pas s’ils sont pour ou contre, demandent juste un référendum. J’aurais aimé des arguments de la part d’EELV. » Le maire de Pierre-Bénite promet cependant des consultations. « Le sujet, ce n’est pas “oui ou non”, c’est venir vers vous, et vous demander ce que vous attendez de cette union. Ce sera ça, la consultation. »
Clotilde Pouzergue enchaîne : « On va venir à votre rencontre, on va travailler avec vous, on est prêt à venir chez l’habitant pour lui expliquer, et entendre ses craintes légitimes. Nous avons dix longs mois de consultations avant la délibération. » Les deux conseils municipaux devront voter pour cette fusion avant la mi-décembre. Puis devront donner leur aval pour que Jérôme Moroge devienne le maire de cette commune nouvelle, l’édile d’Oullins ayant choisi de s’effacer.
« Ce n’est pas très sain »
Thierry Mounib est président de l’association Bien-vivre à Pierre-Bénite. Ce retraité, très actif dans le tissu associatif local, est bien connu dans le secteur. Et s’il assure entretenir de bonnes relations avec la municipalité, il ne cache pas son inquiétude face au projet de fusion. Les propos des deux maires n’ont pas suffi à le rassurer. Dans son association, « tout le monde est sous le choc », affirme-t-il. « Cela a été fait dans le secret. Ce n’est pas très sain. On ne fait pas les choses en catimini quand on n’a rien à cacher », juge-t-il.
« Mais qu’est-ce qui leur est passé par la tête ? Personne n’y a d’intérêt, on peut faire des mutualisations sans faire de fusion », réagit-il, illustrant son propos : « Oullins a fait plein d’investissements, pas Pierre-Bénite, donc c’est favorable pour nous. Mais pour les Oullinois, ce n’est pas flatteur. Pierre-Bénite a une réputation de banlieue pauvre, avec de la délinquance, un taux de chômage assez élevé… Il y a beaucoup d’incohérences dans leur annonce, cela va à l’encontre des intérêts des uns et des autres. Surtout, on n’est pas dans une république bananière, on ne peut pas décider sans consulter ! »
Jérôme Moroge est, lui, catégorique : « Si on ne fait rien, dans dix ans, il ne se passera plus rien à Pierre-Bénite. Avec cette fusion, nous débloquons d’autres leviers. Par exemple, nous allons pouvoir geler la loi SRU, liée au nombre de logements sociaux sur trois ans. Avec une ville de 40 000 habitants, nous allons aussi pouvoir être éligibles à certains financements, notamment pour la rénovation urbaine. »
Une campagne municipale avant l’heure
Des questions, Jean-Charles Kohlhass en a beaucoup. Et, il le garantit, elles vont « rythmer toute l’année 2023 en termes de débat. Il est bien évident que nous allons solliciter la population pour débattre sur le sujet au gré des infos que l’on aura. Parce que, pour l’instant, il n’y a eu aucune étude fournie à qui que ce soit. Je pense qu’aucune n’a été réalisée. Il faut exiger une étude sur les coûts, ou bien sur l’évolution des taxes. Tout ça prend du temps. Le débat va être long. »
ll le reconnaît, cette année va donc prendre une tournure de campagne électorale avant les élections municipales de 2026. « S’ils réussissent à faire la fusion en 2024, et je n’y crois absolument pas, on n’aura qu’un an de débat. Mais si cela est reporté, ce sera aussi la question centrale des prochaines municipales. C’est intéressant pour le projet politique et pour le débat. »
Thierry Mounib voit, lui, encore plus loin : « C’est à se demander si tout ça, ce n’est pas une manœuvre politique. Cela expliquerait leur intérêt. » Pour asseoir la droite sur cette commune nouvelle… Ou pour les prochaines législatives. « Notre maire a échoué deux fois, peut-être que comme ça il serait mieux placé ? »
Jérôme Moroge et Clotilde Pouzergue ont encore beaucoup de travail pour convaincre et rassurer. Dans la section commentaires, sous leur Facebook Live, les avis se sont multipliés. Et hormis quelques messages de soutien, la plupart des internautes semblent inquiets et rétifs à cette idée de fusion. Un message est repris en boucle : « Pierbé doit rester Pierbé ! » Une pétition a même été lancée, récoltant près de 1 500 signatures en une semaine, réclamant un référendum citoyen.