Par Eric Vion, citoyen de La Chaux, le 20 septembre 2014.
Chapitre 1
Entre l’annexion et une autre fusion, il faudra choisir!
Mardi 16 septembre 2014, il y a eu à Cossonay une soirée d’information sur le thème
«pourquoi fusionner?» S’y sont principalement exprimés Georges Rime, syndic de Cossonay,
Oscar Cherbuin, ancien syndic de Colombier, désormais président de l’ARCAM (Association
de la Région Cossonay – Aubonne– Morges), Laurent Curchod, juriste de l’Etat chargé de
mission pour les fusions des communes, Jacques Blanc de la fiduciaire BDO spécialisée dans
le conseil aux communes.
Paul-Henri Marguet, syndic de La Chaux, a introduit et présidé la séance. Gérard Gaille,
syndic de Dizy, n’est que peu intervenu.
1. La séance révèle les ambitions territoriales de Cossonay.
Georges Rime, syndic de Cossonay a surtout développé l’idée que Cossonay veut rester une
«région forte», que la finalité de cette fusion est «d’être fort», que «l’union fait la force».
Pour ce faire, Georges Rime imagine, après la fusion avec La Chaux et Dizy, une deuxième
fusion à 8 ou 9. L’annexion de La Chaux et de Dizy ne serait donc qu’un prélude — ayant
valeur d’exemple — pour reconstituer la grandeur d’un bourg en perte de vitesse (cela c’est
moi qui le dit, évidemment pas lui).
Décryptons ce discours politique…
> D’abord, Cossonay n’est pas une région et n’en sera pas une. C’est une commune et elle le
restera, quelle que soit sa taille. Dans notre organisation territoriale vaudoise, les régions ne
sont pas une réalité administrative (le canton est divisé en districts). L’expression «région de
Cossonay» est donc une manière de masquer les ambitions d’une grosse commune, ancien
chef-lieu de district déplumé par la réorganisation territoriale issue de la Constitution de
2003 (il a perdu sa préfecture, son registre foncier, etc.).
> Pendant longtemps, la petite ville de Cossonay n’a pas imaginé fusionner avec ses voisines.
Mais maintenant, ça y est, elle s’est réveillée. Et pourquoi? Parce que sa Municipalité a
compris que des projets de fusions pourraient, aux alentours, la ravaler au rang d’une
commune moyenne, dont la taille ne lui permettrait pas de dominer une «région». Un projet
entre Penthalaz, Penthaz et d’autres communes a récemment échoué. Mais il peut renaître
sous une autre forme. Une fusion de La Sarraz, Eclépens, Ferreyres, voire d’autres, pourrait
aussi émerger. Autour de L’Isle aussi, pourrait naître un concurrent. En bref, la primauté
régionale de Cossonay, déjà bien écornée, pourrait tout simplement disparaître. Cossonay
pourrait devenir une commune guère plus peuplée que ses futures grandes voisines. Les
manoeuvres territoriales sont donc lancées pour trouver de nouveaux habitants afin de
gagner en poids démographique.
> En réalité, le rêve de grande fusion de Georges Rime a peu de chance de se réaliser. Tout
d’abord, ce «Grand Cossonay» ne pourra pas se développer vers l’est et le nord-est, en
direction de Penthalaz, Penthaz et de Lussery-Villars, qui ont basculé dans le nouveau
district du Gros-de-Vaud. Cela est peut-être dommage, car il y avait potentiellement assez
d’habitants pour faire, au sens administratif, une ville (il faut 10’000 habitants). Bien sûr, les
limites de districts ne sont pas intangibles. Mais on connaît les rivalités… Malgré le
compromis trouvé, l’épisode du nom de la gare, disputé à Cossonay par la Municipalité de
Penthalaz, est plein de sens. Le funiculaire rénové s’appelle d’ailleurs «Funiculaire Penthalaz
– Cossonay» et non «Cossonay-Gare – Cossonay-Ville». Dans le découpage des nouveaux
districts, Cossonay a cessé d’être le centre d’une région, au moins sur son côté oriental. En
réalité, pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire de commenter ici, l’ancien bourg de
Cossonay s’est trouvé relégué sur la frontière d’un nouveau district. Disons seulement que si
Cossonay n’a sûrement pas voulu cela, ce sont ses voisines qui ont choisi pour elle. Lussery-
Villars a même voté pour passer du district de Morges à celui du Gros-de-Vaud.
Dès lors, qu’elle sont les possibilités de s’agrandir pour Cossonay? Elle ne peut que se
tourner vers ses voisines du nord-ouest, de l’ouest et du sud-ouest. C’est sa «dernière
chance». Le problème est de savoir si les ambitions territoriales de Cossonay serviront les
intérêts des communiers des futures anciennes communes. Pour le moment, cela n’est pas
du tout démontré… On nous a seulement servi des arguments politiques généraux et l’on
n’est jamais rentré dans le vif du sujet.
Résumons:
Au delà des arguments et des poncifs «l’union fait la force», «vous aurez de meilleures
prestations», etc., ce projet de fusion sert surtout les ambitions territoriales de Cossonay,
qui voudrait bien retrouver une place régionale prééminente (Je dis bien «retrouver» et non
«conserver» car Cossonay est désormais située sur la marge du district de Morges. De fait,
nous sommes déjà dans la «région de Morges» et c’est comme cela que l’on nous percevra
dans le futur).
Les ambitions de Cossonay sont démesurées car il y a peu de chances qu’elles rencontrent
l’adhésion des Municipalités de Senarclens, Gollion, Grancy, Cuarnens, Chevilly, etc.
Cossonay a raté sa localisation dans le découpage des nouveaux districts et c’est un fait à
peu près irrattrapable.
Dès lors, ce projet de fusion de Cossonay – Dizy – La Chaux est bancal. Il ne servira au bout
du compte pas à redonner sa grandeur à Cossonay. Il n’atteindra pas ce but. Et le prix à
payer pour les communes avalées par l’ancien bourg régional sera lourd: elles seront
réduites à l’état de hameaux dépendants.
La réalité est que ce projet de fusion, sous des apparences consensuelles très politiquement
correctes, masque des ambitions territoriales. Le nouveau découpage des districts et la
politique d’encouragement de l’Etat pour des fusions ont réveillé les stratégies territoriales
locales.
Seuls les naïfs peuvent croire que cela n’a pas d’importance. En réalité, les lieux sont
concurrents et c’est comme cela depuis plus d’un millénaire (au Moyen Age, Cossonay a par
exemple marginalisé Senarclens, sur laquelle était fixée la route de la Vallée depuis la
Préhistoire ; la première est devenue un bourg, la seconde, de point fort régional, est
devenue un village). Les centres aspirent les périphéries et les vident de leurs substances.
Vous n’êtes pas convaincus? Vous venez pourtant, en matière d’économie, d’assister à trois
décennies de fusions et d’acquisitions. Certes, cela a permis un développement. Mais à quel
prix? Les riches sont beaucoup plus riches et vos revenus réels ont stagné ou régressé (en
1980, de combien de mois de salaire aviez-vous besoin pour acheter une maison et combien
en faut-il maintenant? En juin 2013, Le Temps titrait que «La maison individuelle devient un
rêve inaccessible pour les classes moyennes en Suisse»).
Nous comprenons très bien les ambitions de Cossonay. Sa Municipalité mène, du point de
vue de la survie de son rayonnement régional, une bonne politique. Le problème est que ce
réveil est trop tardif. Et pourquoi ses voisins devraient-ils en faire les frais?
2. La séance aurait voulu mettre sur le même plan Cossonay et Echichens… Raté!
Oscar Cherbuin, ancien syndic de Colombier, est venu nous présenter l’histoire de la fusion
qui a abouti à la nouvelle commune d’Echichens. Ecoutons le sur des faits précis et non sur
des déclarations politiques générales destinées à les emballer:
> Au moment de la fusion, Echichens avait 1010 habitants, Colombier 479 , Monnaz 404 et
Saint-Saphorin-sur-Morges 425.
> Comme pour La Chaux et Dizy, «cette fusion n’était ni une obligation, ni une nécessité
urgente».
> Elle a été mise en oeuvre par 10 groupes de travail impliquant une centaine de personnes.
C’était la première fusion à quatre communes du canton.
> Comme ailleurs, les anciennes communes étaient déjà impliquées dans de nombreuses
associations intercommunales (Echichens, Monnaz et Saint-Saphorin avaient même une
déchetterie intercommunale).
> Les Conseils communaux et généraux des quatre communes ont voté des préavis en 2006
(entre le 15 mars et le 29 juin) et le projet a ensuite été élaboré pendant trois ans avant qu’il
ne soit soumis au peuple le 29 juin 2009.
> Un des principaux avantages pour la population est qu’il y a désormais un bureau
communal ouvert 5 jours sur 5 (mais Oscar Cherbuin avoue qu’il ne s’y rend qu’une ou deux
fois par an. Remarquez que l’administration communale n’étant pas une boulangerie, on n’y
va que rarement et il est dès lors assez indifférent qu’elle soit ouverte à plein temps!)
> Beaucoup de choses n’ont pas changé trois ans après la fusion. Les entrées des villages
sont toujours signalés par les noms des villages (accompagnés de la mention de la nouvelle
commune d’Echichens) et la poste utilise les mêmes NPA (Numéro postal d’acheminement).
> A Colombier a été construite la nouvelle école de la nouvelle commune.
> Tout n’est pas positif: la perte de la bourgeoisie (mais, selon Oscar Cherbuin, c’est un
problème émotionnel) et surtout la perte des Conseils Généraux. Pour cette raison, une
association est née à Colombier, la SACOL. Elle invite les Conseillers communaux deux à trois
fois par an pour leur exposer les problèmes spécifiques du désormais village de Colombier.
Une nouvelle fois, décryptons. L’invitation faite à Oscar Cherbuin était évidemment là pour
convaincre du bien-fondé du projet de fusion Cossonay – Dizy – La Chaux. En réalité, il a,
sans s’en rendre compte, souligné des différences béantes entre les projets d’Echichens et
de Cossonay.
> Dans le projet de fusion dont nos trois Municipalités sont les promotrices, Cossonay fait
plus de 80 % de la population et ce pourcentage devrait croître puisque l’on prévoit au moins
1500 nouveaux habitants à Cossonay et que le développement des villages est de fait, sinon
bloqué, très modéré par la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire.
> Contrairement à la nouvelle Echichens où il y a un certain équilibre, une fusion Cossonay –
Dizy – La Chaux serait très déséquilibrée. A terme, La Chaux pourrait représenter à peine 5 %
de la population de la nouvelle commune, Dizy encore moins. Contrairement à Echichens qui
ne représentait que 43 % des habitants de la nouvelle commune, Cossonay est un poids
lourd.
> Remarquons qu’Echichens n’a pas tenu à devenir un hameau du poids lourd que la ville de
Morges représente et dont elle est contiguë! Elle a préféré faire alliance avec des soeurs
mieux dimensionnées. On se demande vraiment pourquoi elle n’a pas voulu profiter des
avantages des services de la ville toute proche! Par exemple de son service juridique et de
ses personnels qualifiés et compétents! Et si c’était de la sagesse?
> Après le vote des Conseils communaux et généraux des 4 communes qui composent
maintenant Echichens, le projet a été élaboré pendant 3 ans par 10 groupes impliquant une
centaine de personnes. Ici, on nous a au contraire poussé dans une marche forcée, comme
s’il fallait éviter un vrai débat démocratique. On a renversé la vapeur. Là-bas, une centaine
de citoyens se sont impliqués dans l’élaboration d’une convention de fusion. Ici, trois
groupes, composés pour l’essentiel de Municipaux, pondent en quelques mois un projet
dont il est déjà évident que la Commission de fusion de la Chaux n’aura qu’à se prononcer
sur les aspects techniques, de plus dans un temps très court. Exit le débat politique, le
«projet de société» élaboré en commun et les questions gênantes (il y en a). Le 28 juillet
dernier, trois membres de la Municipalité de La Chaux ont présenté aux membres de la
Commission de fusion l’état du projet d’alors. A la batterie de questions qui a suivi, je n’ai
noté que trois types de réponses:
1. Des réponses dilatoires: on n’est pas assez avancé dans le processus de fusion pour
pouvoir vous répondre, on ne peut rien garantir (par exemple sur le maintien ou non d’une
déchetterie à La Chaux), etc. Il faut avancer dans la fusion pour savoir! Jusqu’au point de
non-retour? Comme si notre Municipalité n’était pas informée des problèmes qui se sont
posés et qui se posent dans le reste du canton. Notre projet de fusion n’est pas unique, à ce
que l’on sache.
2. Des réponses du type «de toute façon notre commune n’a déjà plus de pouvoir» (par
exemple en matière d’aménagement du territoire, ce serait l’Etat qui déciderait déjà tout).
Ce qui n’est évidemment pas vrai du tout. Sinon, pourquoi faire de grandes communes? Elles
n’auront pas plus de pouvoir puisque la loi est la même pour toutes les communes, grandes
ou petites. Si c’était le cas, on aurait les inconvénients des grandes communes et aucun
avantage supplémentaire.
3. Enfin, un membre de la Municipalité de la Chaux a avoué avoir de la peine à comprendre
les missives reçues de l’Etat!
Evidemment, tout cela ne figurait pas au procès-verbal de la Commission de fusion et j’ai dû
réagir. Il est probable que mon courriel a été transmis à la Municipalité et depuis, on a au
moins reculé les échéances. Le Conseil général ne votera pas en novembre ni le peuple en
janvier. C’est reporté en mars et en juin 2015. La «marche forcée» s’étire un peu dans le
temps, mais on ne voit pas de changement en ce qui concerne la participation à l’élaboration
d’une convention de fusion.
L’argumentaire pour nous faire annexer par Cossonay est pour le moment d’une pauvreté
affligeante.
> A Colombier, on a trouvé nécessaire de créer une association pour représenter le village
dans la nouvelle commune. C’est quelque chose de très intéressant, qu’il va falloir
maintenant commenter.
3. La loi sur les fusions a une faille.
La Loi sur les Fusions, entrée en vigueur en 2005, prévoit que lors de la première législature
les anciennes communes sont automatiquement représentées dans la nouvelle Municipalité.
Notre actuel syndic ou tout autre élu de La Chaux sera donc membre de la nouvelle
commune si nous fusionnons avec Cossonay.
Fort bien, et après? La loi ne prévoit rien. On supprime des institutions (notre actuelle
commune) et on propose que s’y substituent le «dynamisme personnel» et l’«ambition
personnelle». Il n’y aura qu’à attendre qu’un(e) citoyen(ne) de La Chaux se lève et se fasse
élire pour représenter notre ancienne commune à la Municipalité. Super! Et s’il n’y a
personne? Tant pis, notre village ne sera pas représenté dans la grande commune.
Et le Conseil communal de la grande commune? Même chose: nous avons aucune garantie
que des citoyen(nes) de La Chaux se lèvent pour représenter nos intérêts. Vu le faible
pourcentage de nos habitants dans le «Grand Cossonay», malgré la proportionnelle, nous
n’avons pas de garantie qu’ils soient même élus. D’autant plus que, dans les communes de
plus de 3000 habitants, les partis politiques mèneront la danse.
En réalité, si au cours des siècles nous avons créé des institutions politiques pour gérer notre
«commun» (d’où le terme de commune), c’était justement pour pallier aux hauts et aux bas
du «dynamisme personnel» et de l’«ambition politique personnelle». Qu’est-ce que cela
veut dire? Au cours du temps, il y a eu des périodes où l’on a eu des Municipalités
dynamiques, pleines de projets et de réalisations. D’autres ont été plus faibles et beaucoup
moins actives. Si l’on faisait l’analyse des procès-verbaux des séances de Municipalité depuis
1798, c’est ce que l’on constaterait. Parce que les hommes sont les hommes avec leurs
points forts et leurs faiblesses. Mais quand ils sont faibles, l’institution veille et passée la
législature, d’autres les remplacent. En ce cas, les institutions ont assuré le minimum et la
roue peut tourner. Sans institutions, il y aurait eu des moments où il n’y aurait plus rien eu et
le «commun» aurait été livré aux appétits des plus malins.
Il faut imaginer la vie de nos institutions dans le temps. Prenons une institution en quelque
sorte parallèle, notre Auberge communale («parallèle» parce qu’il ne s’agit pas d’une
institution politique ; c’est une sorte d’entreprise communale laissée en gérance à un privé).
On peut très bien avoir pendant deux décennies un excellent cuisinier travaillant avec une
épouse avenante. L’affaire tourne bien, les clients affluent et le loyer est payé. Mais à leur
retraite ou à leur départ, il peut y avoir une mauvaise succession, par exemple trois
tenanciers en quatre ans, une mise en faillite, etc. En ce cas, notre bonne vieille commune
reprendrait les choses en main et s’efforcerait de faire redémarrer l’affaire. Mais si le centre
de la décision est à quatre kilomètres — où il y a déjà abondance d’établissements — et que
nous n’y sommes même pas représentés? (il faut savoir que 62 % des pintes du canton ont
actuellement de la peine à tourner…)
Quand il y a des bas, les institutions assurent un minimum parce que la loi s’applique
toujours. Au contraire, quand l’institution s’est effacée devant une plus grande qui n’a plus
les mêmes intérêts territoriaux, on n’a plus que les yeux pour pleurer.
Evidemment, il y a notre modèle helvétique qui tend au respect des minorités. C’est vrai,
sans celui-ci, on n’aurait pas réussi à faire vivre ensemble pendant des siècles, certes dans
une grande autonomie cantonale, des gens aussi différents (alémaniques – latins,
protestants – catholiques). C’est à l’échelle de l’Europe et à l’aune de l’histoire, une vraie
performance et il faut la saluer.
Ce respect des minorités (comprenez le «Grand Cossonay» face aux hameaux de La Chaux et
de Dizy) a été plusieurs fois invoqué lors de la séance d’information (y compris dans le cas
d’Echichens). C’est de bon ton et politiquement correct. Mais là encore, on se propose de
remplacer des institutions solides et pérennes, où une certaine démocratie directe est
possible, où une Municipalité gère les impôts perçus sur place, par de la bonne volonté et
par des principes politiques généraux. La tradition a bon dos mais il faut toujours se rappeler
que les promesses politiques n’engagent vraiment que ceux qui les croient, pas ceux qui les
font.
Lors de ses interventions, Oscar Cherbuin d’Echichens – Colombier, a d’ailleurs souligné, sans
en avoir l’air, la carence de la loi sur les fusions puisqu’une association relaie déjà les
intérêts du village de Colombier dans la grande commune. Est-ce vraiment cela que l’on
veut? Substituer à nos institutions communales des associations? Pour le reste, on m’a
rapporté que, dans une conversation privée, notre syndic Paul-Henri Marguet avait évoqué
la possibilité d’un «Parti de La Chaux», en fait un parallèle à l’association de Colombier. C’est
reconnaître par avance que les intérêts de La Chaux seront distincts de ceux de Cossonay…
C’est donc bien que la loi a une faille: elle ne prévoit pas la représentation des anciens
villages, elle laisse cela au dynamisme des personnes. Ce n’est évidemment pas le seul
domaine sociétal où le déficit public finit en personnalisation. C’est très libéral et très à la
mode.
4. Revenons au débat démocratique…
La séance d’information a été un plaidoyer pour que les Conseils Généraux de La Chaux et
de Dizy s’effacent devant un vote populaire. Difficile à croire? Mais non, cela a été répété
plusieurs fois et par plusieurs orateurs! Les Conseils des trois communes sont de fait invités à
approuver par avance le futur projet de convention de fusion. Avant leur disparition, ils sont
invités à baisser les bras et, surtout à donner un vote positif susceptible d’entraîner le vote
de l’ensemble de la population.
Pourtant il y a une procédure claire: d’abord les Conseils (communaux et généraux), ensuite
la population. Nos Municipalités auraient donc tellement peur d’un tir de barrage qu’elle
préféreraient s’en remettre au corps général des votants, par définition plus amorphe, où
souvent seule une minorité se donne la peine de venir voter?
Faut-il comprendre que c’est un prélude à la disparition de notre démocratie directe
communale? Nous montre-t-on une direction? C’est ça le «projet de société», d’ailleurs resté
indéfini, que plusieurs orateurs ont invoqué?
Demander aux Conseils de laisser voter le peuple, n’est-ce pas instrumentaliser la
démocratie contre la démocratie? Cela augure mal du fonctionnement de la grande
commune projetée.
5. Leitmotiv: on peine à trouver des Municipaux!
Un des grands motifs pour justifier les fusions — très généralement invoqué — est la peine
que les petites communes ont à recruter des Municipaux. S’y ajoutent les démissions en
cours de mandat.
A nouveau, décryptons l’argumentation politique qui vient se superposer aux problèmes
réels. Il est en effet bien connu que pour noyer son chien, il faut l’accuser d’avoir la rage.
S’il y a de vraies difficultés, d’ailleurs pas si nouvelles, on cherchera vainement une seule
commune vaudoise qui aurait été mise sous tutelle faute d’avoir pu réunir une équipe
municipale. C’est une réalité qu’il faut opposer au discours dominant. Les institutions sont
solides et les trous qui se forment sont invariablement bouchés. De nouvelles vocations
naissent.
Prenons le cas de La Chaux. Il y a eu dans un passé récent plusieurs démissions en cours de
mandat et aussi des élus qui ont refusé leurs charges. Mais il y a aussi plusieurs personnes
qui se tiennent en réserve (déjà trois) et que la Municipalité connaît probablement très bien,
mais dont elle ne souhaite pas trop l’élection. Par exemple, parce qu’elles ne sont pas
favorables à l’annexion par Cossonay. J’en fais bien sûr partie. J’ai déjà annoncé deux fois
que si personne ne voulait du poste vacant, je serais candidat. La Municipalité a alors trouvé
sans trop de problèmes un candidat de remplacement. Certes, cela n’a pas réussi comme
elle l’entendait et nous sommes à nouveau devant une élection complémentaire. Cette foisci,
je vous annonce que je serai candidat le 30 novembre, que la Municipalité ait trouvé un
autre candidat (le bruit court déjà) ou non. Il est en effet temps de tempérer les ardeurs au
suicide de notre Municipalité. Ce ne sera peut-être pas aussi collégial que le politiquement
correct l’exige et pas toujours facile à vivre, mais je l’assumerai. Notre commune est
désormais en danger, mais on peut encore corriger le tir. Au peuple de décider.
Lors du Conseil général de la Chaux du printemps 2014, la Municipalité a proposé au Conseil
général de voter pour faire une étude de fusion avec Cossonay et Dizy. Ce n’était qu’une
étude et cela ne nous engageait à rien. Notre syndic nous a même dit que si cela était
finalement refusé, cela ne l’empêcherait pas de dormir. Bien!
Au cours de ce Conseil général, j’ai souligné que c’était un marché de dupes. Si l’on
s’engageait dans une étude de fusion, cela serait forcément pour démontrer le bien-fondé
et, bien sûr, la faisabilité de cette fusion. Les promoteurs de l’étude n’allaient évidemment
pas essayer de montrer les aspects négatifs.
J’avais malheureusement raison. Lors de la séance du 28 juillet entre la Municipalité de La
Chaux et la Commission de Fusion, la Municipalité a affirmé sans détour qu’elle militait pour
cette fusion et qu’elle ne se serait pas engagée dans cette étude si elle n’escomptait pas
parvenir à cette fusion. Parce que cette étude leur demande du temps et des efforts.
Nous avons donc désormais une Municipalité qui milite pour une fusion alors que le Conseil
général n’a voté qu’une étude. Il est temps d’introduire dans la Municipalité de La Chaux un
élément qui poussera à une étude moins partiale. Par ailleurs, le débat politique n’exclut pas
la bonne gestion des affaires. Il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux, il faut le rappeler à
ceux qui auraient peur de semer la division dans l’équipe municipale actuelle (NB. Dans les
grandes communes, différents partis coexistent et gouvernent ensemble).
6. Des oppositions émotionnelles? Narcissiques? Identitaires? Des gens compliqués?
Vraiment? Lors de la séance d’information du 16 septembre à Cossonay, il a été frappant d’entendre,
aussi à plusieurs reprises, que les oppositions étaient «émotionnelles», «narcissiques» et
«identitaires». Laurent Curchod a ajouté qu’il n’y avait pas de fusions compliquées, mais
seulement des «gens compliqués» (assertion reprise par le Journal de Cossonay)! En bref, on
aurait d’un côté de brillants politiciens ouvrant l’avenir d’«un projet de société» (mais
cependant tout à fait indéfini) et de l’autre des passéistes soucieux de leur identité locale,
pour ne pas dire de leur esprit de clocher.
C’est bien sûr de la politique politicienne, que reprennent en choeur les journaux. Ainsi, dans
le 24 Heures qui a suivi notre Conseil général du 8 avril 2014, on me cite et on affirme que
c’est pour des raisons identitaires que je ne veux pas d’une fusion avec Cossonay. C’est tout
à fait faux. Je suis né à Paris et j’ai passé mon enfance à Londres (où je me sens autant chez
moi qu’à La Chaux). J’ai aussi passé six ans de ma vie en Asie (permis de séjour en
Afghanistan, entreprise en Indonésie, etc.). Je suis très attaché à notre Pays de Vaud, pour
qui je prépare bénévolement la création d’un «big-data» (site internet) interactif qui
comptera 4 millions de cartes, de fiches et de documents sur l’histoire territoriale de notre
pays, un site sans équivalent mondial. Je prépare aussi l’ouverture de la Maison du paysage
au Moulin de Lussery qui fera l’histoire de nos paysages et de nos aménagements. Je n’ai
même pas la bourgeoisie de La Chaux mais celle d’Arnex-sur-Orbe.
Ce n’est pas du tout pour des raisons identitaires que je suis contre une fusion avec
Cossonay. Certes, je trouve que certains intervenants étaient à la limite du mépris quand ils
ont qualifié d’«émotionnels» certains attachements. Après tout, on a bien droit à son
identité, non? Et s’ils croient pouvoir y substituer une raison dont ils seraient les seuls
détenteurs, il va leur falloir trouver d’autres arguments. S’ils ont raison, nous attendons leur
démonstration.
Ne confondons pas les communes et les villages. Bien sûr que nos villages ne vont pas
disparaître et que leur noms figureront toujours à leurs entrées en cas de fusion. Ce n’est
vraiment pas le problème. Non, l’identité n’est pas le fond du problème! Le fond, c’est le
pouvoir et, vous le savez bien, ceux qui l’exercent ont toujours un peu de peine à le partager
et à écouter. A la fin des années 1980, un promoteur a voulu construire des immeubles à
Villars-Bozon, hameau de la commune de L’Isle. Cette opération augmentait d’un coup la
population du hameau de 30 %. Ni la pétition signée à peu près unanimement, ni la
campagne de presse n’ont servi à rien.
Est-ce le destin que l’on veut pour La Chaux et Dizy? En matière d’équipements et
d’aménagements, on pourra nous imposer beaucoup de choses, même des choses qu’on
croit impossibles aujourd’hui. Les villages paieront des impôts, le bourg décidera de ce qu’il
faudra en faire. Et, forcément, l’intérêt général de la grande commune ne sera pas toujours
celui des hameaux. Le projet de fusion Cossonay – Dizy – La Chaux ne laissera que des
miettes de pouvoir aux hameaux puisque la loi ne prévoit pas autre chose.
7. Pour une autre fusion…
Ne marions par les belles des champs (La Chaux et Dizy) au seigneur du bourg (Cossonay).
Les mariages sont souvent inégaux, surtout pour les belles ; l’histoire l’a démontré. Pour le
peu que l’on a déjà vu du projet, il est mal engagé. Aucune garantie de représentation pour
les futurs hameaux, aucune maîtrise locale de l’aménagement du territoire, un débat
démocratique esquivé.
La Chaux et Dizy méritent mieux qu’une annexion. Il y a des possibilités de regrouper
quelques communes du vallon du Veyron ou en dehors de cette vallée. Il y a des possibilités
de négocier et de signer des conventions dans le cadre d’un autre projet de fusion, où
chaque ancienne commune — désormais des villages — serait écoutée et bien représentée.
Il nous faut un avenir équilibré. Nous resterons une commune rurale: associons-nous à nos
semblables! Ne participons pas aux appétits stratégiques et territoriaux d’un bourg qui a mal
joué la carte des nouveaux districts. Privilégions des institutions solides et non de belles
promesses politiques comme le respect des minorités.
Il y a quelques années, Cossonay n’était pas vraiment intéressée à fusionner avec La Chaux.
Elle a changé d’avis et nous savons maintenant pourquoi. Si les communes rurales voisines
de La Chaux et de Dizy ne sont pour le moment pas intéressées à une fusion, c’est qu’il n’y a
vraiment pas d’urgence. S’il faut attendre, profitons de ce temps pour (re-)commencer un
dialogue avec nos voisines. Construisons pas à pas, abandonnons la marche forcée.
Et surtout, engageons un véritable débat démocratique et prenons le temps de le faire.
Comme cela nous a été répété maintes fois (le 28 juillet et le 16 septembre), nous ne
sommes pas sous contrainte. Nous n’avons pas d’obligation à fusionner rapidement et
n’importe comment. Inventons notre destin et restons-en maîtres.