novembre 29, 2023

Monthey/Collombey-Muraz: Le grand débat sur la fusion

Publié dans Le Nouvelliste le 12 avril 2022 par Isabelle Gay

 

Dans le cadre des Rencontres du « Nouvelliste » a eu lieu lundi soir à Collombey-Muraz un débat réunissant partisans et opposants du projet de fusion. Près de 180 personnes avaient fait le déplacement.
Collombey-Muraz le, 11 avril 2022 : SoirŽe de dŽbat sur la Fusion de Collombey-Muraz et de Monthey. ©Sacha Bittel

«J’ai pris le pari qu’il y aurait au moins 50% de participation à cette votation. Quand je vois le monde ici ce soir, je me dis que ce taux devrait être atteint facilement.» C’est en effet devant une salle comble à la Charmaie que le rédacteur en chef du «Nouvelliste», Vincent Fragnière, a mené un débat réunissant trois partisans du projet de fusion entre Collombey-Muraz et Monthey face à trois opposants.

Dans le camp du oui, on retrouvait les deux présidents des municipalités, Olivier Turin et Stéphane Coppey, ainsi que Jean Bauer de Collombey-Muraz, représentant du mouvement citoyen «Fusion connaissance».

Dans le camp du non avaient pris place Emmanuelle Fonferrier du mouvement citoyen de Collombey-Muraz, Annick Grossrieder-Voisin du comité montheysan, ainsi que le président de l’UDC de Collombey-Muraz et conseiller général, Guillaume Vanay.

 

Après près de deux heures de débat et une dizaine de questions du public principalement adressées aux deux présidents de commune, la soirée s’est terminée avec un plaidoyer des deux représentants citoyens.

Pour Emmanuelle Fonferrier, le projet présente encore trop d’inconnues: «Les réponses sont encore évasives et le vote de l’exécutif ne me permet pas de me convaincre. Ça sera non pour moi. Demain peut-être, mais pas aujourd’hui.»

Jean Bauer estime, au contraire, que le temps du changement est venu: «Cette fusion propose une vraie vision d’avenir tout en conservant nos propres identités auxquelles nous tenons. Engageons-nous pour un projet qui nous porte!»

1. Les enjeux identitaires: une seule commune mais des villages différents

La question est venue de la salle. L’ancien conseiller communal de Collombey-Muraz, Dominique Vanay, a demandé aux présidents si «derrière sa carte d’identité, en cas de oui le 15 mai, il sera désormais écrit «Monthey», pour désigner la commune d’origine». Une question qui exprime l’un des principaux enjeux de cette votation, l’identité.

Stéphane Coppey le reconnaît:  le nom de la future commune est un point sensible. «Nous aurions préféré trouver un nom de lieu différent qui fédérait les deux communes. Nous l’avons cherché, sans succès. Nous avons également multiplié les propositions de nouvelles appellations, qui étaient soit peu esthétiques, soit trop longues.»

«Muraz restera Muraz»

Pour les partisans, ce futur nom représente également celui du district et ne sera qu’une désignation administrative. «Muraz restera toujours Muraz», estime Jean Bauer qui précise qu’il a passé «son enfance à Choëx, son adolescence à Monthey et qu’il habite désormais Collombey. Nous sommes tous attachés au lieu où l’on vit et cela persistera.»

Au contraire, pour la citoyenne Emmanuelle Fonferrier, qui habite justement Muraz, cette fusion risque de «dénaturer l’âme et l’ambiance» de son quartier. «J’ai envie de conserver cette proximité. La future commune sera trop grande pour nos villages.»

Et Annick Grossrieder-Voisin de rappeler qu’historiquement «Monthey, Collombey-Muraz et Troistorrents ne formaient qu’une seule commune avant de se séparer. Pourquoi, après 600 ans d’indépendance, vouloir revenir en arrière?» Stéphane Coppey lui a alors répondu qu’il y a «une évolution croissante au sein des administrations. On veut le mieux pour notre avenir. Pour celui de nos enfants.»

«Auriez-vous soutenu ce projet si la commune s’était appelée Monthey-Collombey?» a alors demandé Vincent Fragnière aux opposants. «Non, car je suis contre le principe de fusionner. Même si elle avait porté le nom de Collombey-Muraz», a répondu Guillaume Vanay.

Qui comme futur président?

La représentation politique de la future commune pose également des soucis aux opposants. «Avec un taux de participation similaire et Monthey représentant les 2/3 de l’électorat, il est à craindre que nos cinq villages ne soient plus défendus équitablement», a ajouté le président de l’UDC.

Des propos qui ont fait réagir le président de Collombey-Muraz Olivier Turin qui a tenu à préciser qu’aujourd’hui «il n’y a pas de représentants des villages de Collombey-le-Grand et d’Illarsaz au sein de l’exécutif. Or Illarsaz est le lieu où l’on investit le plus dans la commune. Les mêmes craintes avaient été prononcées lors de la mise en place du Conseil général et personne aujourd’hui ne voudrait faire sans le législatif.»

Stéphane Coppey a encore ajouté que «l’origine des élus n’est pas le plus important dans un tel projet. Si, en annonçant que je ne serai pas le futur président de cette commune, j’étais sûr que cette fusion passerait du côté de Collombey-Muraz, je le ferai.»

2. Les enjeux relationnels: des conventions fébriles à consolider

«Tout va bien, pourquoi changer?» C’est la question que se posent de nombreux opposants et indécis au projet de fusion. Depuis plusieurs années, Collombey-Muraz et Monthey collaborent sur de multiples thèmes, tels que police, pompiers, EMS ou encore énergie.

Les collaborations actuelles

Une situation qui satisfait pleinement la représentante du mouvement montheysan contre la fusion, Annick Grossrieder-Voisin. «Nous avons la taille adéquate, suffisamment de ressources financières et politiques, nos collaborations intercommunales fonctionnent. Il n’y a aucun intérêt à fusionner. Hormis cette hypothétique baisse d’impôts.»

Mais si tout le monde s’accorde sur l’importance de ces collaborations, les partisans souhaitent, de leur côté, justement les sceller dans le marbre. «Nous perdons trop de temps à rédiger protocoles et contrats au lieu de travailler sur des projets», a déclaré Jean Bauer.

Des propos appuyés par Olivier Turin: «Avec des collaborations, les décisions sont trop lentes. Sans oublier que nous devons souvent mandater une personne externe pour les dossiers. Cela a aussi un coût pour le contribuable.»

Collombey-Muraz plus attractif?

Etre ensemble pour être forts, c’est l’argument principal développé par les partisans. «Les services à la population gagneront en qualité», assure Stéphane Coppey.

Des services déjà différents d’une commune à l’autre? C’est que sous-entend la représentante des citoyens contre la fusion en énumérant les points positifs que présente Collombey-Muraz face à Monthey: «Nous avons un grand nombre de places en crèches, des structures jeunesse agréables, des chèques familles ainsi que la gratuité du bus urbain.»

Une situation semblable chez la voisine pour le président Coppey: «Je vous rassure, à Monthey, nous avons aussi une culture de la famille et plus de 70 associations sportives. Les enfants y sont très bien encadrés.»

Pour les partisans, la future commune, du haut de ses 28 000 habitants, aura également plus de poids dans le paysage politique valaisan. Un point qui ne convainc pas Guillaume Vanay. «Ce n’est pas 1 représentant pour 30 000 habitants qui réussira à faire avancer le dossier de la ligne du Simplon, par exemple. C’est toute la région qui doit se mettre ensemble.»

Dans la salle, Arnold Ruppen s’est alors demandé: «Comment faisaient les autres communes pour survivre? Notamment Massongex, Vionnaz ou Vouvry, qui ne comptent pas 30 000 habitants?» Olivier Turin a rappelé que «ces communes étaient justement en réflexion» pour d’éventuelles fusions. «Les besoins des municipalités s’accroissent, les dossiers se complexifient. En fusionnant, les communes augmentent leurs capacités financières», a encore souligné le président.

3. Les enjeux économiques: vers un développement territorial et industriel commun

L’autre principal enjeu de cette votation réside dans le potentiel économique et industriel des deux municipalités. Guillaume Vanay a estimé que «Collombey-Muraz a une opportunité rare avec les terrains de l’ancien Tamoil à disposition. Un projet économique majeur pourrait y voir le jour et nous voulons le développer sur notre commune.»

Pour le président Olivier Turin, il était important de rappeler «qu’il y a peu, nous n’avions plus de zone industrielle. Nous nous sommes battus pour consolider cet endroit. Ensemble, nous pourrions être nettement plus écoutés et respectés.»

Le risque de dézonage

Stéphane Coppey a abondé: «Il y a une très forte pression au canton pour dézoner des terrains à Collombey-Muraz. Et Monthey s’implique dans cette défense car il s’agit d’une richesse pour toute la région.»

Dans le public, le conseiller général UDC Romain Gex-Fabry a alors demandé des chiffres concrets. «Quelle surface reste à développer?» Ne possédant pas à ce moment-là ces éléments, Olivier Turin a précisé que ces données «seront présentées prochainement dans la brochure envoyée à la population.» Et Stéphane Coppey ajoute que «Monthey ne va pas piquer des zones artisanales industrielles à sa voisine car elle aussi en possède.»

La question de l’augmentation des zones à bâtir a alors surgi dans la salle. Olivier Turin a rassuré: «Nous ne voulons pas augmenter la population, mais miser sur la qualité de vie et permettre une planification territoriale globale.»

L’agglo, plutôt que la fusion?

Voies de circulation intermodale, transports publics, pistes cyclables, trafic, le débat s’est poursuivi ensuite sur l’épineuse question de la mobilité. «L’entité de l’agglo peut parfaitement gérer ce problème», a estimé le président de l’UDC.

«Non», a répondu Stéphane Coppey en citant l’exemple de l’AOMC. «Ce projet, datant de 2013, n’avançait pas car Ollon y était opposé. En l’espace de huit mois, Monthey et Collombey-Muraz ont réussi à faire avancer le dossier et à définir le tracé. L’agglo ne peut pas tout régler.»

Pour les opposants, la fusion comporte encore de trop nombreuses inconnues. «Notre commune sort d’un cycle d’investissements alors que Monthey commence le sien. Je n’ai pas envie de payer pour elle», a déclaré Emmanuelle Fonferrier à Stéphane Coppey qui lui a rétorqué que «Monthey était au milieu d’un cycle et non au début.»

Le président de Collombey-Muraz a aussi nuancé: «Notre commune aura également des investissements à prévoir. Une salle de gym aux Perraires, un nouveau CO, développer la zone sportive, aménager la future halle CFF. Fusion ou pas, nous devrons réaliser ces projets.»

«Quant à moi, je n’ai pas envie de payer mon électricité à la Romande Energie», a ajouté la Montheysanne Annick Grossrieder-Voisin. «Vous parlez chiffres, optimisations. On dirait une entreprise, alors qu’il s’agit d’une fusion de communes. Et le cœur dans tout ça?» Jean Bauer a, à son tour, ajouté que «tout ne sera pas réglé au 1er janvier 2025 mais on propose un changement passionnant». En toute fin de débat, sous les applaudissements du public, Vincent Fragnière a encore rappelé l’importance d’aller voter le 15 mai prochain.