Publié le 28.02.2023 sur le site rfj.ch
Trois avocats jurassiens, députés au Parlement, font part de leur regard et de leur interprétation de la loi
Le vote consultatif, un sujet qui fait débat dans le canton du Jura. La commune de Haute-Sorne souhaite consulter sa population sur le projet de géothermie profonde. Celle de Delémont aurait pu envisager d’en faire de même au sujet des zones 30 km/h en ville, mais le Conseil de ville a refusé ce lundi une motion du PLR Christophe Günter demandant l’organisation d’un tel scrutin. Le hic : aucune loi ne permet l’organisation de votes consultatifs dans le canton. Pour éclaircir la situation, nous avons consulté trois députés jurassiens qui exercent la profession d’avocat.
Christophe Schaffter : « Il existe assez d’autres moyens »
Pour Christophe Schaffter, c’est clair : comme il n’existe pas de bases légales, le vote consultatif est par conséquent interdit. « Le projet de géothermie à Haute-Sorne est du ressort du canton. Un vote dans la commune ne reposerait sur rien », explique l’élu CS-POP. Christophe Schaffter indique aussi que « si un citoyen s’opposait à l’organisation d’un vote consultatif, la Cour constitutionnelle l’interdirait, manu militari si nécessaire. Si les autorités communales passaient en force, elles pourraient ensuite s’exposer à l’article 292 du Code pénal traitant de l’insoumission à une décision de l’autorité. La police pourrait intervenir, puis l’exécutif de Haute-Sorne être sanctionné ». A titre personnel, Christophe Schaffter n’est pas favorable à une révision de la loi pour permettre la tenue de votes consultatifs. « Il existe assez d’autres moyens », dit-il.
Alain Schweingruber : l’absence de dispositions légales, une interdiction de fait ?
Le son de cloche diffère du côté de Maître Alain Schweingruber. « L’organisation de votes consultatifs n’est pas prévue spécifiquement dans la loi, mais est-ce que l’absence de dispositions légales l’interdit ? », s’interroge l’élu PLR. Il s’agit pour lui de faire des recherches de droit et de jurisprudence pour trouver la réponse. Alain Schweingruber se demande par ailleurs si le Gouvernement jurassien pourrait sanctionner la commune de Haute-Sorne si elle organisait un scrutin, et comment. Il se place actuellement en observateur des événements. A titre personnel, Alain Schweingruber estime qu’un organe exécutif – cantonal ou communal – devrait logiquement pouvoir solliciter l’avis de la population. Il se positionne donc en faveur de la création d’une loi en ce sens.
Serge Beuret : « Des conséquences fâcheuses ? Je n’en vois pas ! »
Serge Beuret, pour sa part, s’interroge également sur les conséquences fâcheuses de l’organisation d’un vote consultatif à Haute-Sorne. « Je n’en vois pas ! », dit l’élu du Centre. « On peut déclarer un vote nul, mais on obtient quand même un résultat », ajoute-t-il par ailleurs. Serge Beuret est lui aussi personnellement favorable à une révision législative pour permettre la tenue de votes consultatifs. « Mais il ne faudrait pas en abuser, les élus doivent aussi assumer leur rôle », nuance-t-il toutefois.
Le vote consultatif permis dans le canton de Berne, si…
La situation est différente outre Roche St-Jean. Dans le canton de Berne, Moutier avait, par exemple, consulté sa population sur la question de son appartenance cantonale en 1998. Qu’en est-il donc ? L’Office des affaires communales et de l’organisation du territoire (OACOT) nous indique que la loi bernoise sur les communes, à son article 21, prévoit une disposition qui permet aux communes d’introduire le vote consultatif dans leur règlement d’organisation. Celles qui ont fait cette démarche peuvent donc consulter leur population en toute légalité, les autres non. Un tel dispositif n’existe pas dans le Jura.
Ecole secondaire à Grandval : un vote de principe
Eclairage intéressant : celui de la votation du 12 mars prochain dans les villages de la couronne prévôtoise sur la possibilité de créer une école secondaire à Grandval. Il s’agit là d’un vote de principe et non d’un vote consultatif, explique l’OACOT. Le vote consultatif permet de consulter un organe qui n’est pas compétent pour statuer. Le vote de principe consiste, lui, à consulter un organe compétent, mais à un stade précoce. On l’utilise surtout dans les projets de fusion de communes. En fonction du résultat du scrutin, les différentes autorités peuvent aller de l’avant pour préparer un projet ficelé, définitif, qui sera à nouveau soumis en votation populaire. /rch