décembre 11, 2023

Fusions ? un peu d’objectivité, Messieurs les élus !

Pas seulement des arguments économiques

Tous les experts en fusion de communes le constatent : engager une fusion sur des arguments strictement économiques, en mettant en avant les seules économies d’échelle se solde presque toujours par un échec. Une fusion concerne au premier chef la problématique délicate de l’identité collective. Elle est en effet ressentie par la population locale comme une perte d’autonomie, dans la mesure où elle entraîne de facto la dissolution d’une ou de plusieurs communes, dont l’existence  s’inscrit le plus souvent dans une longue histoire.

 

Avoir le choix et le temps

En démocratie, l’électeur doit avoir le choix et pouvoir le revendiquer. C’est par le débat et l’échange d’idées et sans précipitation que nous construirons notre avenir et certainement pas dans un débat à sens unique avec pour seule perspective, la fusion !

 

La fusion? Une solution parmis d’autres

Si la fusion n’est pas une solution à écarter à priori, elle n’en représente pas moins qu’une des multiples alternatives à une collaboration légitime et louable des communautés humaines. C’est une solution qui ne devrait systématiquement pas entrer en ligne de compte si elle s’accompagne d’un déficit démocratique qui représenterait un premier glissement vers un transfert de compétence de décision, c’est-à-dire un changement de souverain.

 

“Contre” pour l’équilibre

Tant de voix officielles et d’élus se sont prononcés « pour » la fusion avant même les conclusions de son évaluation qu’on peut légitimement se demander si l’affaire a été vraiment « instruite à charge et à décharge », c’est-à-dire qu’on a autant pris en compte les éléments qui militent pour une fusion que les éléments contre. Ce qui m’amène à une question dont je vous laisse juge du degré d’humour : est-il éventuellement prévu un budget pour les opposants au projet de fusion qui n’ont évidemment pas les moyens de l’Etat pour convaincre ?

 

La fusion est fondamentalement une vision administrative et pas démocratique.

On nous propose avant tout un projet économique, loin de tout  projet de vivre ensemble partagé par une réelle communauté locale. Comme si le politique était définitivement devenu une simple question économique avec ses acteurs producteurs/consommateurs.

 

Communication déficiente

 

Où est la population dans ces projets?

Quelle est la place de la communication dans ces réflexions ?

 

Qu’a-t-on mis en place pour avoir le maximum de transparence et de feedback de la part de la population pour coller au mieux à ses besoins d’information et souhaits d’orientation des réalisations ?

 

Quelle sera la place des partis dans les travaux de préparation ? Et les autres citoyens ?

 

La fusion est-elle vraiment LA solution ?

 

Sortir de l’entonnoir

Est-ce qu’une collaboration plus étroite des communes a été envisagée dans la balance avec la fusion même ?

 

Plutôt que la fusion une densification des collaborations communales, sur un mode plus créatif à étudier, ne serait-elle pas préférable?

 

Légitimité et utilité de cette tendance générale à la centralisation, ainsi que sur le rythme effréné auquel on réduit le nombre de communes ?

 

Les fusions sont-elles un objectif absolu ?

 

Voici une démarche qui s’imposerait :

(pour une étude sérieuse)

 

Une démarche plus objective

Quels sont les problèmes à résoudre ? en connaît-on les causes et les dépendances ?

Quelles pourraient en être les solutions ? Que se passe-t-il si on ne fait rien ? Degré de probabilité ?

Parmi ces solutions, y a-t-il un besoin de rapprochement ?

Dans quels domaines ? avec qui ?

Jusqu’où aller et sous quelle forme se rapprocher (fusion, association, syndicat, etc) ?

Quels sont les avantages et inconvénients de chaque forme ?

Y a-t-il des risques ? Qu’est-ce qu’on gagne et qu’est-ce qu’on perd ? Le gain envisagé est-il à la hauteur de l’enjeu ? Le gain est-il garanti à long terme ? Respecte-t-on les droits acquis par les communautés?

Quel aspect concret prendra ce rapprochement si il est décidé (prestations, ressources, etc) ?

Comment réaliser ce rapprochement (intégration, réorganisation, etc) ?

Qui imagine et propose les solutions à mettre en œuvre ?

Comment va-t-on faire circuler l’information entre tous les acteurs ?

Qui décide au final ?

Moyens de recours ?

Moyens de preuve (évaluation des résultats et critères)? Retour arrière possible ?

 

Voilà une démarche qui semblerait « instruire à charge et à décharge »…

 

Préserver la démocratie directe

Il ne s’agit pas d’être forcément contre les fusions. Mais, en priorité, il convient de préserver le pouvoir décisionnel au plus près des citoyens et ne pas renforcer le glissement systématique de celui-ci vers le haut de la pyramide hiérarchique. Si l’on considère que la démocratie directe est le système politique que nous voulons conserver et que tous nous envient, il convient d’être attentif à ce qui peut le menacer et chercher toujours à le renforcer, voire à l’améliorer.  

 

La méthode Coué n’est pas suffisante

Dans toute la démarche pro-fusion, on a l’impression que tout est fait pour minimiser à l’extrême tous les points négatifs, au point que lors de la présentation du projet de fusion de Domdidier et ses voisins, par exemple, le seul inconvénient de la fusion envisagée qui fut mentionné était « le surcroît de travail évident des futurs conseillers communaux » !!!!!

 

Que voulez-vous, c’est le progrès!

L’utilisation d’un vocabulaire délibérément positif et volontariste fait plus penser à la méthode Coué qu’à une analyse objective d’un projet sérieux et grave dans ses implications démocratiques.

 

Il faut être conscient que tout processus visant à établir la « faisabilité » d’une fusion aboutira à une fusion, si personne ne met le doigt sur les hic des fusions. Le train des fusions est en marche et plus aucune objectivité n’accompagne les réflexions qui le concernent. Le mouvement est « inéluctable » (et rappelle étrangement « Que voulez-vous, c’est le progrès ! »)

 

Il y a certainement beaucoup à gagner de considérer des solutions alternatives. Il y a peut-être même de grands avantages pour certaines communes de se maintenir au statu quo :

  • Situation sous contrôle et correspondant à la volonté populaire
  • Maître chez soi
  • Système de péréquation restera ce qu’il est (petites communes)
  • Citoyens satisfaits – peu ouverts au changement
  • Communes fortes pas essentielles dans le paysage institutionnel

 

Jouer cartes sur table

En conclusion, pour un sujet aussi important, on pourrait s’attendre à une volonté plus claire des autorités de jouer cartes sur table par une communication plus transparente et réellement objective sur le sujet.

 

Mais pour l’heure, plus aucune objectivité ne mène le débat …

 

Il n’est qu’à considérer les articles des médias pour constater non seulement que les présentations sont unilatéralement positives, mais encore que les projets deviennent de plus en plus délirants