Malgré l’exemple du regroupement du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les mutualisations sont privilégiées au détriment des fusions. La vision technique l’emporte sur les velléités politiques et le sujet ne devrait pas s’immiscer dans la future campagne du mois de juin.
Bas et Haut Rhin forment depuis janvier la collectivité européenne d’Alsace (CEA) qu’ils appelaient de leurs vœux. Une expérience qui ne suscite guère de vocations. Les deux Savoie ont décalé le processus. Les Yvelines et Hauts-de-Seine restent suspendus à une décision du gouvernement qui ne vient pas.
Les rapprochements et mutualisations engagées semblent suffire. « La démarche est aujourd’hui plus technique que politique », résume Pierre Monzani, préfet et directeur général de l’Assemblée des départements de France (ADF), dans un contexte de réforme territoriale qui permet pourtant l’ouverture d’une porte qui peinait jusqu’alors à s’entrebâiller.
Dans une étude menée entre décembre 2019 et octobre 2020 auprès d’une vingtaine de territoires engagés dans un travail collaboratif, l’association a pourtant estimé que la multiplication des coopérations interdépartementales était de nature à permettre « des projets de fusion ambitieux » à condition d’avoir un poids important. En clair, corriger les effets des super régions au sein desquelles des départements ne trouvent pas une place suffisante ou ne se retrouvent pas dans le périmètre voté.
Un sujet de campagne risqué
Dès 2015, la rigueur budgétaire -notamment liée à la baisse des dotations- a été un élément déclencheur dans la réflexion. Plusieurs départements ont ainsi sauté le pas pour mutualiser compétences et moyens, avec des objectifs et une ampleur divers, mais un égal souci de coller aux réalités locales.
Cela a freiné les velléités de mariage des départements Hautes-Alpes et de l’Isère situés l’un en Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’autre en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais des rapprochements thématiques ont été entrepris par Cher et l’Indre, ou Mayenne, Sarthe et Maine-et-Loire, ou encore Charente et Charente-Maritime, pour un travail sur l’attractivité, l’économie, le tourisme ou la mise en commun de leurs moyens de sécurité et d’incendie.
Stratégiquement, Loire et Haute-Loire ont créé une instance politique de coordination afin de partager une vision commune sur le soutien à l’agriculture ou l’amélioration du réseau routier. Mais pour l’heure, aucun département n’envisage d’aller jusqu’à une fusion. D’ailleurs, du côté de l’ADF, un « pour ou contre la fusion » ne serait pas jugé judicieux comme thème de campagne électorale. Savoie et Haute Savoie ont décidé de renvoyer à 2027 leur décision, bien qu’elles aient engagé, en octobre 2019 « le début d’une aventure » en signant une convention d’entente.
Des territoires et des hommes
Yvelines et Hauts-de-Seine conservent la démarche la plus aboutie, mais après la création d’un établissement public interdépartemental et la mutualisation de plusieurs services (dont l’adoption ou l’entretien du réseau routier), la volonté de fusion annoncée est au point mort. Et il est possible qu’elle n’aboutisse jamais. D’une part, parce que le gouvernement a laissé filer le calendrier, bottant en touche pour lier sa réponse à la réforme de la métropole francilienne, sur laquelle aucune décision ne sera prise avant l’élection présidentielle. Dans les deux départements, on estime que le gouvernement porte la responsabilité de la stagnation du dossier. D’autre part, parce que la fusion était aussi une alliance d’hommes à laquelle la disparition de Patrick Devedjian, le président des Hauts-de-Seine (décédé du covid en mars dernier) a porté un coup rude qui pourrait fragiliser l’unité de l’assemblée altoséquanaise. En l’absence de mariage, les deux départements devraient malgré tout rester en concubinage, en amplifiant même la mutualisation de services et de compétences, par des simples coopérations départementales.