novembre 29, 2023

Exemple du parti-pris des media dans le mouvement des fusions de communes

Publié le 25 avril 2022 par Vincent Fragnière, rédacteur en chef du Nouvelliste

Fusion Monthey-Collombey: l’argument d’un Chablais plus fort

Le rédacteur en chef Vincent Fragnière revient, à travers un commentaire, sur le projet de fusion Monthey-Collombey-Muraz. Il explique pourquoi, selon lui, celui-ci pourrait renforcer le Chablais sur le plan valaisan.

Réunir une commune de 9000 habitants et une autre de 18 000 alors que, pour leur population, il n’y a pas de problèmes majeurs à résoudre à travers cette fusion: la démarche entreprise par les autorités de Monthey et de Collombey-Muraz est bien plus délicate à mener que la dernière grande fusion réalisée dans le Valais romand, à savoir Crans-Montana en 2017. Sur le Haut-Plateau, un seul argument avait suffi à faire mouche: il n’y a aucune autre station de ski en Europe dont le territoire est géré par six communes différentes. Imparable! Cette seule réalité avait réussi à mobiliser la jeunesse et les Confédérés installés sur place pour faire basculer une commune comme Chermignon dans le camp du oui à 53%. Et cela malgré un très fort ancrage identitaire symbolisé par les partis de famille en place: les Jaunes, les Blancs et les Gris. Un scénario jugé alors impossible par beaucoup d’observateurs.

Sion et Monthey deviendraient les deux pôles forts du canton, ce qui, indirectement, ne peut que renforcer la position du Chablais à l’échelle du Valais.

Rien de tout cela entre Monthey et Collombey-Muraz. Au travers des débats et des cafés citoyens, les deux présidents Stéphane Coppey et Olivier Turin ont surtout tenté de démontrer comment cette fusion allait améliorer la qualité des services communaux. Mais cette réalité, la majorité des citoyennes et citoyens n’en ont pas conscience contrairement à la majorité de leurs élus. Après les dernières élections communales, nous avions réuni six présidents de commune partants qui avaient tous réalisé cinq mandats ou plus. Et il y avait eu une quasi-unanimité pour affirmer qu’aujourd’hui, compte tenu des exigences administratives et légales toujours plus grandes, selon des critères démographiques, une commune devrait compter au moins 15 000 habitants. Et ce sont les anciens présidents de Leytron, Dorénaz, Riddes, Saint-Léonard ou encore Chalais qui le disent. 

Par contre, les citoyennes et citoyens de Monthey et Collombey-Muraz sont confrontés à deux autres réalités qui devraient beaucoup plus les interpeller. Déjà, ils peuvent constater que leurs communes, reliées géographiquement mais séparées politiquement, n’ont pas réussi à régler des enjeux démographiques et d’aménagement du territoire du côté de Collombey-Muraz – on y a construit de sorte de «ghetto» – ou de mobilité du côté de Monthey avec une place centrale traversée par les voitures de la route cantonale et des bouchons toujours plus importants aux heures de pointe. Une seule entité politique de 28 000 habitants pour un territoire déjà relié paraît mieux armée pour faire face à ces enjeux tout comme pour transformer au mieux les anciens sites industriels forts, à savoir Tamoil, actuellement en démantèlement, et le site de l’ ex-usine Giovanola à Monthey.

L’autre réalité concerne la place du Chablais en Valais. Chaque fois ou presque que vous discutez avec un Chablaisien, il évoque un manque de considération du reste du canton à l’égard de leur région. Si ce sentiment est certainement beaucoup plus fort que la réalité, il serait fortement atténué avec la création de la deuxième plus grande entité politique derrière Sion avec près de 30 000 habitants, car le rapport de force démographique peut changer beaucoup de choses. Sion et Monthey deviendraient les deux pôles forts du canton, ce qui, indirectement, ne peut que renforcer la position du Chablais à l’échelle du Valais. Mais ces arguments seront-ils plus importants que la peur de la perte d’identité très clairement exprimée du côté de Collombey-Muraz? Réponse le 15 mai prochain.

Notre réponse (sans attendre le 15 mai):

Fusion ? Quand, comme Vincent Fragnière, on a les yeux de l’architecte ou de l’urbaniste, la question ne se pose même plus. Chacun en aurait fait l’expérience en passant d’une commune à l’autre sans même s’en rendre compte ? Il ne fait donc aucun doute pour lui que le territoire est en avance sur la politique !
C’est indubitablement le même manque de réflexion qui afflige cruellement la politique suiviste d’aujourd’hui et qui prête l’oreille à ce genre d’arguments. Car, à en croire le journaliste, c’est une expansion sans mesure, dont la nécessité échapperait aux citoyens, qui montre la voie à suivre ! Elle montre en tout cas à quoi ressemblera notre environnement si « nous nous laissons fusionner » à tours de bras.
Alors que tous se rendent compte de l’évolution du contexte sociétal (démographie galopante et urbanisation, pendularité et mobilité automobile), personne ne se rend compte de la contribution significative que les fusions apportent à ce mouvement. Alors que les ingrédients traditionnels de la stabilité sont le mélange, la diversité et la complexité, nos politiques optent résolument pour les attitudes inverses : concentration et uniformisation, tendances qui entretiennent l’idée d’un seul ordre et d’un seul modèle. Tout laisse croire cependant que,dans l’organisation sociale aussi, la diversité est un facteur de stabilité et la subtile complexité des environnements une condition de la liberté et du respect de chacun.
Les communes se caractérisent par leur diversité géographique, démographique, de superficie et socio-économique. Cette « bio-diversité » communale est aujourd’hui fortement remise en cause par des théoriciens qui estiment globalement qu’elles sont devenues obsolètes dans le contexte de la gestion publique du XXIe siècle. Selon eux, plus rien ne fonctionne correctement dans les communes suisses. Aidés en cela par les statisticiens et les économistes qui leur emboîtent le pas, ils aimeraient promouvoir une concentration rapide du quadrillage politico-administratif du territoire.
Hé bien non ! Ce n’est pas le souhait des Collombeyroud(e)s. On le verra le 15 mai !