Dans le Chablais, la Presqu’île est un coin à part. De la plage d’Excenevex au port de Tougues, les côtes bordées par la baie de Coudrée et le Petit Lac, notamment identifiables à la célèbre pointe d’Yvoire, forment à l’unisson un joyau touristique de notre territoire. Cinq villages qui partagent aussi bien d’indéniables atouts que de problématiques quotidiennes.
Et le temps des élections municipales a été le théâtre d’un rapprochement entre Chens, Messery, Nernier, Yvoire et Excenevex. Les élus se sont rencontrés en petit comité et ont posé les premiers jalons d’un projet de « mutualisation » qu’ils ont laissé à leur directeur respectif de mairie le soin de piloter. Mettre en commun les savoirs-faire et travailler ensemble pour réaliser des économies, voici, dans les grandes lignes, l’objectif de ce concubinage institutionnel. Un premier pas vers le mariage et la création d’une grande commune de la Presqu’île ?
Serge Bel, maire de Messery :

« Chacun doit garder son poing dans la poche et quitter son pré carré. Il faut qu’on se penche sur ce principe de fusion, pas pour ce mandat mais afin de préparer l’idée pour ceux qui nous succéderont. Faisons-le, avant que les fonctionnaires de l’Etat nous y obligent. Aujourd’hui, on opère en ordre dispersé, on ne peut pas rester indéfiniment dans cette situation si on veut peser davantage à l’Agglo. »
Jean-François Kung, maire d’Yvoire :

« Mutualiser sur certains points, j’y suis évidemment favorable. Quant à la fusion des communes, je ne suis pas contre mais pour l’instant ce n’est pas assez mûr. C’est un processus long et il n’y a rien en route allant dans ce sens. Mutualisons d’abord. »
Marie-Pierre Berthier, maire de Nernier :

« Une fusion ? Je ne pense pas. Je ne crois pas que les habitants de Nernier accepteraient de devenir un hameau de Messery par exemple. Disons que si nous devions fusionner, cela aurait plus de sens de le faire avec un village qui dispose lui aussi d’un port. En tout cas, je suis à fond pour la mutualisation. »
Pascale Moriaud, maire de Chens-sur-Léman :

« Faire une grande commune de la Presqu’île me paraît difficile car nous ne partageons pas tous les mêmes intérêts. Si on devait se rapprocher d’un village, ce serait de Messery. Nos communes sont toutes deux traversantes, composées de beaucoup de résidences secondaires. Et, aujourd’hui, il faut reconnaître que nous n’existons pas à l’Agglo. Disposer d’une plus grosse structure pourrait nous permettre de changer la donne. Mais ce ne sera pas pour ce mandat. Laissons mûrir les choses, on aurait vite fait de se rater à vouloir aller trop vite. »
Chrystelle Beurrier, maire d’Excenevex* :

« On ne peut pas créer une commune nouvelle sans faire de diagnostic au niveau humain et matériel. On s’est mis au travail afin de voir comment unir nos forces. A nous de déterminer si on se ressemble tant que ça les uns et les autres. Pour Excenevex, cette démarche ferait également sens avec Sciez. Nous partageons un golfe commun, des problématiques qui nous sont propres comme la qualité des eaux de baignade et les liaisons douces. »
*Témoignage recueilli le 28 septembre
Les villages de la Presqu’île n’ont pas attendu ces dernières semaines pour travailler main dans la main :
– Excenevex et Yvoire s’occupent ensemble de la gestion de leurs écoles à travers un syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) qui ne dispose, comme son nom l’indique, que de cette seule compétence.
– Yvoire et Nernier collaborent dans la mise à disposition de la police municipale.
– Chens et Messery partagent ensemble la gestion d’un centre de loisirs.
– Dans le milieu associatif, le club de football du FC Léman Presqu’île revendique lui-même cette identité territoriale et englobe l’ensemble des cinq communes.
Si l’idée d’une fusion ne soulève pas l’unanimité, tout du moins dans un futur relativement proche, les cinq maires voient d’un bon œil les possibilités de mutualisation entre villages.
– Du point de vue des ressources humaines tout d’abord, les plus petits villages pourraient tirer bénéfice d’une certaine entraide avec leurs voisins. Ce que met en évidence le maire d’Yvoire, Jean-François Kung : « Chez nous, nos agents sont obligés d’être multi-compétents. A Chens, vous pouvez retrouver des employés qui sont compétents dans un domaine bien particulier. Leur expérience pourrait nous être utile. »
– Difficile d’évoquer un rapprochement sans y voir des intérêts financiers. Travailler ensemble, c’est aussi espérer faire des économies, comme l’explique Marie-Pierre Berthier, la maire de Nernier : « Quand on décide de goudronner nos routes par exemple, on pourrait mutualiser les commandes. Ça se ressentirait sur le prix final. »
– En termes de sécurité également, le maire de Messery, Serge Bel, défend l’intérêt d’une police intercommunale dans l’avenir, « qui permettrait notamment de gérer plus facilement les problématiques liées aux excès de vitesse ».
Janvier 2015. Fraîchement élu maire de la commune de Messery, Serge Bel présente ses premiers vœux à la population. Décidé à marquer le coup, l’édile annonce, à la surprise générale, son souhait de marier son village avec sa voisine de Nernier. Celui-ci faisant état de « discussions en cours pour créer une nouvelle commune afin que ce regroupement ait plus de force et de poids pour le futur ».
Surprise par les déclarations du Messerolin, Marie-Pierre Berthier, déjà maire de Nernier à l’époque, va, sans claquer la porte, quelque peu tempérer les ardeurs de son homologue en indiquant « qu’aucune réunion n’a eu lieu à ce sujet à ce jour » et que « la prudence est meilleure conseillère que la précipitation ».
Près de six ans plus tard, force est de constater que le projet de fusion a pris du plomb dans l’aile. Et les dernières déclarations de la maire du village médiéval (lire ci-dessus) sont loin de laisser présager des fiançailles prochaines !